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Elodie

Le secteur la Rochère

Dernière mise à jour : 3 juin 2020

Le personnage de Maurice Dutheuil de la Rochère



Charles Maurice Dutheuil de la Rochère est une personnalité très éloignée de celle de Boris Vildé. Né le 9 mai 1870 à Versailles, polytechnicien, ancien colonel, monarchiste et catholique ultra, il semble ne présenter qu’un point commun avec Boris Vildé : celui de refuser obstinément de baisser les bras. C’est depuis un petit bureau du Ve arrondissement parisien prêté par une Espérance Blain, qui travaille à la direction de l’Enseignement primaire, et avec qui il est en lien que M. de la Rochère organise ses mutliples activités. La couverture est discrète, les employés de la préfecture considérant le colonel comme un vieil inspecteur de l’académie.On voit bien à travers ce personnage la diversité des rapports entre les entreprises individuelles et le réseau dans lequel chacun s’inscrit.

Ce qui, au sein du vaste réseau du Musée de l’Homme, peut-être considéré comme le « secteur la Rochère », pour reprendre l’expression de Julien Blanc, n’a donc nullement été créé par lui. Mais à l’image des autres, ce secteur a été pris en main par un individu fort et déterminé qui s’est efforcé de regrouper un vaste ensemble de groupes, favorisant les synergies, améliorant le transfert d’informations, renforçant les appuis territoriaux d’une Résistance qui n’en est qu’à ses débuts pour gagner en efficacité.


 

Le groupe La Vérité française


Le groupe est très lié à la droite traditionnelle. L’orientation politique commune des différents membres du groupe, très nationalistes, parfois réactionnaires (certains membres du groupe étaient proches de l’Action française dont le ralliement du leader, C. Maurras, à la Révolution nationale a pu être vécue comme une trahison) semble pouvoir expliquer leur volonté de résister. En effet, le réseau de La Vérité française est né du rapprochement de deux groupes distincts en septembre 1940 : celui créé par le négociant Jehan de Launoy (image de gauche),

le commerçant Roland Coqueugniot et le vétérinaire Julien Lafaye (image de droite) ; et celui créé par l’industriel Pierre Stumm. Le personnage de Maurice de la Rochère ne rejoint le groupe que durant l’hiver 1940. Étonnamment, il en devient très rapidement le personnage central, affirmant son autorité sur les autres membres du groupe, et notamment les rédacteurs de La Vérité française.

Les activités du groupe sont très diverses. Leur but est de favoriser la Résistance sous toutes ses formes : recueillir des prisonniers évadés, guider leur passage en zone libre, cacher des réfractaires, organiser des dépôts d’armes (en particulier à Soissons comme le souligne Germaine Tillion dans une interview télévisée sur Antenne 2 de mai 1990, dans les crassiers, dans les cimetières et dans des mines) créer un périodique clandestin intitulé Vérité française dont 32 numéros paraissent, signe d’un courage et d’une ténacité sans faille mais aussi, et c’est ce qui rend les liens entre la Vérité française et le réseau du Musée de l’homme particulièrement utiles, la récolte de renseignements. C’est P. Stumm qui assure les liaisons entre les deux groupes. Ce sont les dominicains de la rue de la Glacière qui fournissent l’argent nécessaire à la mise en route du journal.



 

Le journal La Vérité française


Le journal La Vérité française est un journal clandestin de la Résistance dactylographié et ronéoté à Versailles, Paris et Soisson (où le réseau agit) dont le premier numéro paraît en septembre-octobre 1940. L’impression de journal étant très dangereuse une ronéo est cachée, d’abord chez Roland Langlois, garçon de chenil du Dr. Lafaye puis emmenée chez la mère du Dr Holstein. Les créateurs et inspirateurs du journal semblent être les Pères Guihaire et Chenault. Lafaye est l’un des principaux rédacteurs du journal tandis que sa distribution est confiée en particulier à P. Léry et B. Décloux qui les répandent en particulier dans les milieux instituteurs.


Analyse du premier numéro de La Vérité française :


Le patriotisme du groupe La Vérité française est largement visible dans ses publications. Ainsi, outre l’adjectif du titre soulignant sa nationalité, en haut à droite du premier numéro de La Vérité française figurent les dates des offensives allemandes en territoire français ayant profondément bouleversé le pays : « 1870 / 1914 / 1940 » accompagnées de l’injonction « SOUVENEZ-VOUS », comme pour réveiller un sentiment anti-allemand souvent important dans l’engagement dans la résistance. Par ailleurs, ce premier numéro nous éclaire pleinement sur l’origine du titre du journal ainsi que sur ses intentions. En effet, le mot « vérité » est au cœur de la publication, tant dans la citation, sorte d’introduction souvent utilisée par les éditeurs de l’époque et qui, ici, reprend ironiquement les paroles d’une chanson allemande (« Celui qui sait la VERITE et qui ne la dit pas est vraiment un pitoyable drôle »), que dans le fond, puisque la première partie dénonce exclusivement la coopération des journaux traditionnels. La presse est alors placée dans une situation difficile par les autorités puisque ce sont elles qui fournissent les matériaux nécessaires à l’impression des journaux, une fois ces derniers passés par la censure. C’est donc un contenu bien différent de ceux proposés par les journaux ayant fait le choix, pour survivre, de se plier à l’Occupant (avec zèle si l’on en croit La Vérité française), que le journal clandestin se promet de diffuser. Ainsi, il informe sur une sorte de complot des Allemands visant à envoyer les Français conquérir le Royaume-Uni, les journalistes achetés à vif prix par les autorités nazies ayant préalablement préparé l’esprit des futurs martyrs par une propagande intense. Le premier exemplaire de La Vérité française datant de début septembre 1940, on peut affirmer que c’est à l’opération Seelöwe qu’il fait référence. Elle prévoyait effectivement une invasion de la Grande-Bretagne après un affaiblissement de ses forces aériennes et est suspendue après la mise en échec de la Luftwaffe le 15 septembre 1940. L’information diffusée par le journal est donc véridique et permet aux Français de saisir la réalité de l’évolution du conflit. Par ailleurs, l’exemplaire que nous avons est dactylographié. Ce fait illustre bien l’aspect isolé et presque artisanal de la création des premiers journaux de la Résistance : avant de disposer de quelque rare ronéo capable de les tirer dans un nombre plus important d’exemplaires, ces journaux étaient faits un par un et, sachant le temps important que nécessitait l’opération, on priait le lecteur de ne pas le détruire : « rependez-le, il faut qu’on sache ! ».



 

Sources

Rapport sur l’attribution de la médaille de la Résistance à M.de la Rochère:




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